La Philosophie de l’Houphouëtisme

L’Houphouëtisme: Philosophie, Humanisme et Doctrine

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Le 26 janvier, à quelques encablures calendaires d’aujourd’hui, il sera donné, urbi et orbi, à notre nation et au monde, l’heureuse vision de voir s’éclore, à nouveau, sous un soleil radieux, la beauté et la magnificence de la substantifique essence de l’orthodoxie de cette école politique et philosophique, cette école de vie qu’est l’houphouëtisme originel.

Il est né comme beaucoup, de préceptes hier épars puis progressivement codifiés par ceux qui, en ayant bu l’élixir en firent une sorte de vade-mecum accompagnant leur existence principiel, tels les disciples de l’enfant de Bethléem dont les rois mages suivirent l’étoile annonciatrice de la naissance dans les étendues de la Mésopotamie devenu un jour charpentier puis épiphanie du christianisme ; tels aussi ceux qui s’écartèrent des mécréants en se mettant sur le sentier d’Allah en suivant le prophète (paix et salut sur lui) de l’islam dans les déserts et contrées arabiques à l’appel de l’Hégire. Et le sage de Yamoussoukro, que nous osons ici paraphraser, de le rappeler un jour de l’an de grâce 1986 à ses dignes filleuls : « il est deux personnages en notre monde qui n’ont jamais ni écrit une seule ligne mais qui sont les plus lus et crus : Jésus Christ et Mahomet. Leurs enseignements ont été repris par leurs disciples et vous êtes là, aujourd’hui, disciples de mon action… ».

Nous étions encore soit à batifoler dans les limbes, soit nourrisson, pour la plupart d’entre nous, lorsque Félix Houphouët Boigny notre père, notre maître et ses premiers compagnons, les pionniers, tracèrent les linéaments de notre émancipation et de notre développement à travers leurs parcours jonchés de embuches et de cactus, nourris de blessures, d’injonctions, d’adversité et de révolte sous la férule des maîtres Blancs, venus de la lointaine métropole, que l’on appelait les ‘’colons’’. Mais nous avons bu à satiété sa sagesse et nous pouvons aujourd’hui, pour l’avoir vu à l’oeuvre ou côtoyé, être les témoins privilégiés de la grande aventure, que dis-je, l’épopée, de l’houphouëtisme fondamental, originel.

Alors que le 7 décembre dernier hommage lui était rendu et que le souvenir de notre propre enfance nous fait, dans la mouvance du mystère de la nativité que viennent de célébrer les chrétiens et les enfants de la planète, entendre petit à petit tintinnabuler et s’éloigner les clochettes et les carillons de Noël sous les flocons de neige ou les vents secs, empoussiérés et rigoureux de l’harmattan qui gerçait nos lèvres, nous demeurons dans la fiévreuse et frénétique expectative d’assister à la renaissance de l’houphouëtisme tel qu’il fut conçu et engendré. Nos frères d’Asie centrale, pour ne citer qu’eux, n’ont jamais jeté ni la pierre ni l’anathème sur les enseignements védiques, bouddhiques, hindouistes, ‘’vishnouistes’’, les leçons de Confucius et de qui savons-nous encore. Nous refusons aujourd’hui, comme hier et demain, de jeter la pierre sur notre fétiche, ‘’Dia’’ Houphouët. Nous ne montrerons ni sa case, ni notre maison, ni notre village avec l’index Création du RHDP gauche. Le nom d’Houphouët, Félix Houphouët Boigny, doit résonner dans notre coeur comme ses propres battements. Et pour cause, si nous sommes ici, aujourd’hui, si nous pouvons nous targuer ou nous enorgueillir d’être des filles et des fils de la Côte d’Ivoire, c’est bien grâce aux sacrifices et épreuves qu’il a endurés.

Houphouët a marqué une page écrite à l’encre indélébile de notre histoire commune. Comme ailleurs, sur ce même continent, un Hailé Sélassié, un Kwame N’Nkrumah, un Nelson Mandela, un Patrice Lumumba et bien d’autres figures historiques et emblématiques dont nous devons nous sentir honteux et confus de ne pas suffisamment nourrir l’imaginaire et l’esprit de nos enfants des hauts faits de courage et de bravoure allant parfois jusqu’au sacrifice ultime de leur vie, quand nous nous délectons ou nous extasions, sans gêne aucune, des hauts faits d’armes d’un Napoléon 1er , ou de la résistance héroïque d’un Charles de Gaulle jusque dans la verdoyante flore de Brazzaville en plein coeur de la jungle équatoriale. Telle est bien l’histoire infalsifiable. Houphouët est de cette race, de combattants de la liberté, d’éclaireurs des consciences, d’émancipateurs, de passeurs de témoin et de flambeau. Tels des rois mages, nous irons donc assister et à sa renaissance en lui offrant l’humble obole de notre union, de notre cohésion, de notre communion, de notre unification. L’on ne saurait rendre hommage plus grand à cet homme, à ses idées, aux valeurs qu’il nous a inculquées, qu’il n’a eu de cesse de seriner avec cette verve peu commune de tribun qu’il avait et dont certains mots, sonnent aujourd’hui comme des aphorismes dont nous ne percevons malheureusement pas toujours la portée ou le génie, car certainement galvaudés peu ou prou : « la paix n’est pas un mot, c’est un comportement ». Le sage a parlé.

Au moment où le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) va naître, sous un nouveau visage, il est bon de rappeler qui était cet homme, le premier ‘’époux’’ de notre mère patrie, la Côte d’Ivoire. Les jeunes générations le connaissent-il vraiment ? Ceux qui voyaient le jour en 1993 ont aujourd’hui 25 ans ! Comme les années se sont écoulées ! Déjà 25 ans ! Un quart de siècle. Il apparaît donc bon de revenir, même subrepticement ou furtivement sur son parcours si fabuleux et riche d’enseignements. Notre père, le père fondateur, est né officiellement le 18 octobre 1905 à N’Gokro (Yamoussoukro) qui était alors un petit royaume Akouè. Il vient au monde alors qu’il n’y a plus de descendant mâle dans sa famille, d’où le prénom ‘’Dia’’ qu’on lui donne, en rapport avec les sciences divinatoires, la prophétie, la magie. Il est le petit-neveu de la reine Yamousso et du chef du village, Kouassi N’Go. La noblesse de son sang et son jeune âge poussent l’administration coloniale de l’époque à l’inscrire à l’école au poste militaire de Bonzi non loin du village. Il fréquente ensuite l’école primaire supérieure de Bingerville dès 1915, année à laquelle il s’est d’ailleurs converti au catholicisme et en se faisant baptiser ‘’Félix’’. Au nom ‘’Houphouët’’ de son père qui, en langue baoulé, serait « expiatoire et donné aux enfants nés aux abords d’un village ou dans une famille où plusieurs enfants sont morts successivement avant sa naissance », il ajoutera bien plus tard celui de ‘’Boigny’’ qui signifie, lui, ‘’Bélier’’.

C’est en 1919 qu’il intègre l’Ecole normale William à Dakar qui lui délivre un diplôme d’Instituteur. En 1921 il est admis à l’Ecole de médecine de l’AOF (Afrique Occidentale Française) toujours au Sénégal. Il en sortira major en 1925 et apte à entamer une carrière de « médecin africain », c’est-à-dire de médecin au rabais comme le voulait le colonisateur. Cette même année, rentrée dans son pays, il entame sa carrière en qualité de médecinauxiliaire le 26 octobre. Et, déjà, comme un signe annonciateur des luttes futures, il met sur pied une amicale censée regrouper le personnel médical indigène. Sentant venir le risque d’un militantisme syndical, l’administration coloniale le mute à Guiglo. Il obtempère et, malgré l’austérité de l’environnement, les conditions difficiles de travail, il donne pleine satisfaction. D’où, sa promotion, le 17 septembre 1929, à un poste qui ne revenait jusquelà qu’aux Européens à Abengourou. C’est là que va réellement commencer la carrière syndicale de Félix Houphouët qui sur le terrain constatera les graves injustices et les mauvais traitements que l’on fait subir aux planteurs. Son fameux article « On nous a trop volés » publié dans « Trait d’union » sous un pseudonyme date du 22 décembre 1932. Entre temps, il avait pris la tête, en sa qualité d’intellectuel d’un mouvement de planteurs africains qui contestait la mainmise des grands propriétaires Blancs et le diktat colonial.

De Dimbokro en 1934, il est en poste à Toumodi en 1936. Difficile pour lui, malgré ses aptitudes professionnelles, de contenir le trop plein de frustration engendré par les injustices d’alors et qui sont le lot quotidien des populations surtout paysannes. Aussi en 1938 lui est-il fait l’injonction par son chef de service de choisir entre la médecine et la politique. Il n’aura pas trop de peine, cette fois à faire le saut, ce d’autant que la chefferie qu’il avait décliné au profit de son cadet Augustin, lui revient de automatiquement dès le décès de ce dernier. Ainsi devient-il à son tour chef en 1939 et, donc, administrateur du canton d’Akouè, soit à la tête de 36 villages. Pour faire de la politique il faut des moyens et des soutiens. Il se consacre donc à la plantation familiale, l’une des plus importantes du pays. Grâce aux revenus et bénéfices générés par le cacao, le café et le caoutchouc, il devient un puissant planteur. Il peut ainsi, le 3 septembre 1944, fonder le Syndicat Agricole Africain avec l’agrément de l’administration coloniale. La montée en puissance du SAA est fulgurante. 20.000 planteurs s’en réclament et cela fait froid dans le dos des colons et des planteurs Européens. L’on remarquera que Houphouët, même dans l’adversité et les conditions difficiles à su, grâce à sa foi en Dieu qui peut tout, grâce à sa connaissance de l’homme en tant que médecin, tirer profit de toutes les situations et des circonstances.

Ses différents postes d’affectations lui ont permis de mieux connaître la Côte d’Ivoire et ses populations qui l’ont adopté du Sud, au Centre, en passant par l’Ouest et l’Est, puis le Nord. En marge du Syndicat, le noyau qu’il fréquente au Bar dancing ‘’L’Etoile du Sud’’ du richissime Georges Kassi, avec Fulgence Brou, Malamine Diaby, Gabriel Dadié et quelques autres se révèle être un véritable bouillon de culture, un vivier où se prennent les décisions les plus importantes car constituant à l’époque l’un des rares espaces de divertissement appartenant à un Africain natif d’Aboisso, en l’occurrence Georges Kassi. C’est que Félix Houphouët Boigny avait, ab ovo, placé l’homme au coeur de ses priorités, de ses préoccupations. Il fallait certes le soigner physiquement, mais également veiller à son plein épanouissement moral, social, culturel et intellectuel. Ces cinq piliers permettent à l’homme d’être pleinement un être social, sociable et généreux. En comme liant essentiel de la sociabilité, il y a l’aspect cognitif et informatif de l’autre et vis-à-vis de l’autre qui passe inéluctablement par le canal de la communication entre les personnes. C’est, pour parler plus simplement, le dialogue qui, lui, constitue avec l’amour et le don de soi le triptyque des valeurs cardinales de l’houphouëtisme. Les jeunes générations doivent comprendre, et avec eux les anciens qui semblent malheureusement l’oublier car sans doute frappés d’amnésie soudaine ou de cécité, qu’il a fallu à l’origine poser des actes de courage et d’engagement sans faille sous-tendu par ces valeurs sources pour lutter contre le joug du ‘’dominium’’ des colons et de leurs cerbères et sicaires.

Le leadership d’Houphouët était là certes, en lui, vu sous un prisme cosmique, spirituel ou théocratique, car ‘’prédestiné’’, à ne pas confondre avec ‘’prédéfini’’, mais il importait qu’il prît corps dans le peuple, ou les masses laborieuses. Le Syndicat agricole africain avec ses dizaines de milliers de membres lui offraient une tribune idéale pour ambitionner une lutte politique avec des coudées plus franches et dévastatrices face à l’hégémonie coloniale. Le SAA décupla ainsi ses forces. Et c’est tout naturellement qu’il fut projeté sur la scène politique internationale au moment où le gouvernement français se décida, sans doute parce que acculé, à faire participer ses colonies à l’assemblée constituante. Et le ‘’Bélier’’ triompha le 4 novembre 1945 à l’élection à la députation. Membre de l’Assemblée constituante, il se consacra à porter la voix des faibles, des planteurs, des membres de l’ex-SAA, et des Africains sous domination française dans leur ensemble, au perchoir. Il obtint la suppression du travail forcé le 11 avril 1946. C’est la loi Houphouët-Boigny, etc. Mais avant l’Assemblée constituante, Houphouët, le visionnaire, dut, le 9 avril 1946, procéder à la transformation du Syndicat Agricole Africain en parti politique. D’où la naissance du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire, avant que de devenir, le 18 octobre 1946 le Rassemblement Démocratique Africain (RDA) grâce à l’issue du Congrès de Bamako.

Elément notable, que l’histoire ne peut falsifier, nombre de militants venus de la Côte d’Ivoire y furent convoyés par les bons soins de la logistique mise gracieusement à disposition des congressistes par le géniteur, le père biologique du Président Alassane Ouattara. Grâce à cet homme de bien et ami d’Houphouët, des Ivoiriens purent en toute sécurité et diligence rallier la capitale malienne sur des voies ou des pistes dont on peut imaginer de nos jours l’état à cette époque. L’homme ne craignit cependant pas pour son bien face aux aspérités du tronçon. Il était généreux et croyait en la naissance d’une Afrique indépendante et démocratique. Cela valait pour lui tous les sacrifices. Ce congrès fut un tournant pour la lutte de libération des peuples indigènes et la restauration de la dignité humaine des peuples colonisés d’Afrique. L’houphouëtisme ne doit donc pas être figé dans des appellations sommaires ou des dénominations quoique cela s’avère utile. Il doit s’affirmer surtout dans la préservation de ses enseignements dogmatiques. Pour une raison logique et de bon sens naturel : le contenant, en cette matière précise, quelle que soit sa valeur ne sera jamais plus important que le contenu. Et dès le départ ce fut l’homme qui fut au centre des préoccupations d’Houphouët. Ceux qui partageaient par ailleurs sa vision, l’ont soutenu sans faille dans sa démarche, à l’exemple du patriarche Gon Coulibaly de Korhogo.

Après l’Assemblée Nationale française, Félix Houphouët Boigny connut une carrière politique prodigieuse et prolifique au niveau le plus élevé. Il fut notamment ministre de la Santé publique et de la Population dans le gouvernement Félix Gaillard du 6 novembre 1957 au 14 mai 1958. Il fut ministre d’Etat sous les gouvernements : de Maurice Bourgès- Maunoury du 13 juin au 6 novembre 1957, de Pflimlin du 14 au 17 mai 1958, de Charles de Gaulle du 1er juin 1958 au 8 janvier 1959, de Michel Debré du 8 janvier au 20 mai 1959. Dans l’intervalle coïncidant avec l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 1960, il fut ministre conseiller du gouvernement Michel Debré du 23 juillet 1959 au 19 mai 1961. Rappelons qu’Houphouët-Boigny fut l’un des signataires, aux côtés de De Gaulle, de la constitution de la Ve République française, le 4 octobre 1958. Quelle dimension que celle du fondateur de l’Houphouëtisme ! Occupant la fonction de président de l’Assemblée territoriale depuis 1953, suite à sa brillante élection rendue possible par l’adoption de la loi-cadre Defferre du 23 juin 1956 qui donnait l’autonomie aux colonies africaines, il fut aussi maire d’Abidjan depuis 1956. Le 7 août 1960, il proclama l’indépendance de la Côte d’Ivoire, notre pays. Quel grand homme ! Quel parcours ! Quel génie politique !

Le 26 janvier 2018 ne sera que le juste retour à la source vivifiante, inspiratrice et primordiale grâce à laquelle Houphouët Boigny et nos devanciers réussirent à faire de la Côte d’Ivoire le havre de paix et le pachyderme solide et imposant qui a séduit l’Afrique entière et le monde et, qui a toujours accueilli nos frères dans la case de l’hospitalité. L’houphouëtisme est un esprit que nous devons donc conserver, entretenir jalousement et fidèlement et promouvoir en vue de gagner les futures batailles. Car si Félix Houphouët Boigny était pour la « communauté franco-africaine à base d’égalité et de fraternité » avant la proclamation de l’indépendance et la souveraineté nationale, c’est parce qu’il savait que l’indépendance économique est, en réalité celle à laquelle, devaient aspirer ses disciples, ses fils spirituels. Il en avait posé les jalons visibles de par la prospérité du pays et sa stabilité. Et c’est un combat de longue haleine, certainement plus long que celui l’autodétermination politique simplement. « L’homme qui a faim n’est pas un homme libre », a-ton appris. En portant sur les fonts baptismaux le RHDP, nous voguerons plus sainement vers les eaux paisibles de l’émergence propulsés par les vents favorables de l’Houphouëtisme vrai.

Bamba Alex Souleymane, Conseiller Spécial à la Direction du RDR, Expert Consultant en Stratégies et Informations et Journaliste Professionnel