Franc CFA : Une monnaie aux principes de fonctionnement contestés

Franc CFA : Une monnaie aux principes de fonctionnement contestés

13 août 2015 Non Par RDR - ROYAUME UNI

Créé le 26 décembre 1945, le Franc CFA est régulièrement présenté comme la monnaie commune à 14 pays d’Afrique centrale et occidentale. Dans les faits, le terme Franc CFA est utilisé pour désigner deux monnaies distinctes dont la gestion incombe à deux instituts d’émission distincts.

Franc CFA : Principes de fonctionnement

Au sein de l’espace CEMAC, le terme Franc CFA est l’abréviation de franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale. Dans cet espace, la Banque des Etats d’Afrique centrale (BEAC) assure les missions de banque centrale. La politique monétaire de la BEAC s’applique au Cameroun, en Centrafrique, au Congo, au Gabon, en Guinée Equatoriale et au Tchad.

Au sein de l’UEMOA, le terme Franc CFA est l’abréviation de Communautés Financières d’Afrique. L’institut d’émission de la zone (qui regroupe 8 pays*) est la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’ouest (BCEAO).

Au-delà de ces différences sémantiques, en Afrique centrale comme en Afrique de l’Ouest,  les dispositions relatives à la monnaie des Conventions de politique monétaire qui lient ces états africains à la France sont les mêmes. En effet sous réserves du versement de 50% des avoirs extérieurs nets de la BEAC et de la BCEAO dans des comptes d’opérations ouverts dans les livres du Service de Contrôle Budgétaire et Comptable du Ministère de l’économie français, la France assure :

–    La libre convertibilité Euro/Franc CFA ;

–    La liberté de transfert de fonds entre les Etats membres de la zone Franc et la France ;

–    La parité fixe Euro/Franc CFA (1€ = 655.96 Franc CFA).

Les arguments des détracteurs du Franc CFA

Alors que le Franc CFA est installé comme monnaie depuis 70 ans, de nombreuses voix s’élèvent sur le continent pour dénoncer son arrimage à l’Euro ou pour demander une réforme de son mode de fonctionnement. Certains économistes estiment en effet qu’arrimer le Franc CFA à une monnaie forte comme l’Euro est défavorable aux économies de pays pauvres qui composent la CEMAC et l’UEMOA. Ils suggèrent par exemple de modifier les Conventions de politique monétaire de façon à permettre l’arrimage de Franc CFA à un panier de devises. Cependant, de telles modifications auraient pour effet de mettre un terme au principe de comptes d’opérations BEAC/BCEAO – Trésor français et par voie de conséquence de renoncer à la garantie monétaire offerte par la France.

Sur un autre plan, les détracteurs du Franc CFA s’insurgent contre l’obligation faite aux Etats membres de la CEMAC et de l’UEMOA de déposer 50% des avoirs extérieurs nets aux Trésor public français pour préserver la garantie monétaire de la France. Pointant la faible rémunération des réserves déposées, les contempteurs du Franc CFA estiment que ces fonds immobilisés par les Etats sont autant d’argent qui manquent pour financer leur développement.

Ainsi, au 31 décembre 2014, les Etats membres de la CEMAC détenaient-ils 3 848 milliards FCFA au Trésor Français et ceux de l’UEMOA 3 097 milliards FCFA. Ces avoirs extérieurs sont rémunérés au taux de la facilité marginale de la Banque centrale européenne (soit 0.30% depuis  le 10 septembre 2014).

Le nécessaire débat sur le Franc CFA

La monnaie étant régulièrement présentée comme un instrument de souveraineté, la politique monétaire fait régulièrement l’objet de débat en occident aussi bien dans les cercles d’économistes, dans les instances politiques ou dans la société civile. Au sein de la zone Franc, le débat sur le Franc CFA n’a jamais été ouvert de sorte que ni la BEAC et ni la BCEAO ne présentent les avantages des monnaies communes. Par ailleurs, le bien fondé du dépôt des avoirs extérieurs nets des Etats et de la garantie offerte par la France ne sont jamais exposés par ces instituts d’émission.

Au contraire, les personnalités favorables à l’ouverture d’un débat sur la monnaie font l’objet d’obstruction à l’image de Kako Nubukpo, ministre togolais de la Prospective et de l’évaluation des politiques publiques, qui pour avoir contesté les effets bénéfiques de l’arrimage du Franc CFA à l’Euro, a vu un Directeur nationale de la BCEAO demander dans un courrier qu’il soit écarté du gouvernement. Une attitude iconoclaste qui a eu pour effet de renforcer ceux qui voient dans le fonctionnement du Franc CFA une « servitude volontaire » des anciennes colonies de la France.

Mays Mouissi

* Les 8 pays composants la CEDEAO sont : Côte d’Ivoire, Sénégal, Burkina Faso, Mali, Benin, Niger, Togo et  Guinée-Bissau

Sources principales :
–    Convention de politique monétaire entre les Etats membres de la BEAC et la République française
–    Convention de compte d’opérations de la BEAC
–    Etats financiers de la BCEAO au 31 décembre 2014
–    Rapport général des commissaires aux comptes de la BEAC pour les exercices 2013 et 2014
–    Rapport spécial sur le contrôle des comptes de la BEAC 2013 et 2014